mardi 28 août 2012

Roms : la gauche indigne

En écrivant ce post, je ne vais pas être original. Ce n’est pas le but. Mais parfois, il faut savoir répéter ce que tout le monde dit déjà (tout bon prof sait ça). Alors j’y vais : l’attitude du pouvoir en place, et qui se veut de gauche, vis-à-vis des Roms, est non seulement inacceptable : elle est indigne. Les démantèlements de camps se sont multipliés en août ; un de plus vient d’avoir lieu dans l’Essonne, sur les terres mêmes de Manuel Valls – tout un symbole.

Comme d’habitude, on se drape derrière la protection de celui qu’on maltraite. Les expulsions sont légitimes, a dit le premier ministre, si « elles interviennent en application d’une décision de justice ou pour mettre fin à une situation de danger ou de risque sanitaire ». C’est sur ces bases que se lance Francis Chouat, le nouveau maire socialiste d’Évry : pas de décision de justice, mais il parle de « conditions sanitaires déplorables », du « risque d’incendie » et du danger lié à la proximité du RER D.

Mais il développe et se trahit, et trahit ses collègues et ses supérieurs avec lui : « Je connais les conséquences, quand on laisse se développer ces campements trop longtemps. Ils deviennent de véritables bidonvilles, indignes de la population et des riverains, dans lesquels se développent toutes sortes de trafics, des actes de délinquance, et sans doute de la prostitution. Cela devient inextricable ». Petite analyse de texte : après les poncifs habituels que Brice Hortefeux n’aurait pas reniés (« on en accueille un, il en vient cent », ou « on leur donne l’aile, ils prennent la cuisse »), on commence par dire que les bidonvilles sont « indignes de la population » qui y réside, mais on ajoute qu’ils le sont aussi des « riverains » ; et on devine que c’est surtout là que le bât blesse. Car les riverains votent, contrairement aux Roms, et les riverains ont peur, peur de l’étranger, peur du nomade, peur du pauvre, bref peur de tout ce que sont les Roms. Et bien sûr, un petit amalgame ne faisant jamais de mal, les Roms sont, pour le maire, forcément à l’origine de « délinquance », « trafics » et « prostitution ». Ite, missa est !

Qui peut-on tromper avec cela ? La gauche a évidemment peur (elle aussi) d’être attaquée sur la question de sécurité. Les émeutes urbaines à Amiens n’ayant pas vraiment contribué à redorer son blason, elle saisit seulement une occasion de se montrer dure, intransigeante, inflexible ; sur le dos des faibles, de ceux qui ne peuvent pas se défendre. Première indignité, dans cet opportunisme sordide et cruel, dans cette hypocrisie et ces mensonges.

Et seconde indignité, dans les conditions de ces expulsions. Car bien sûr, personne ne veut vivre dans un bidonville. Mais qui veut vivre dans la rue ? Aujourd’hui, des familles sont sans lait, sans couches, sans médicaments pour leurs nourrissons. A ceux qui n’avaient rien, on a enlevé même ce qu’ils avaient. Pour leur proposer quoi ? La rue, ou d’être véhiculés d’hôtel en hôtel, puis rapidement abandonnés à leur sort, car les garanties offertes ne sont jamais bien longues. On détruit le lien social, entre les familles et avec les associations ; on remplace une misère par une misère pire, mais moins visible.

Mais traiter les symptômes ne fait pas disparaître le mal. Hergé, qu’on a pourtant tellement accusé de racisme, faisait dire au Romanichel Matéo, dans Les bijoux de la Castafiore : « Parce que monsieur se figure que cet endroit, c’est nous qui l’avons choisi ! Monsieur se figure que ça nous plaît de vivre parmi les ordures ! » Malheureusement, aujourd’hui, les quelques capitaines Haddock qui restent pour offrir la pâture de leur château comme lieu de campement sont eux-mêmes menacés par la justice ; face aux Roms, il n’y a plus que les Dupondt pour les soupçonner, et la gendarmerie de Moulinsart pour les expulser.

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