mardi 21 mai 2013

Pendant ce temps, au Belize...

L’inconvénient d’appartenir à une Église qui se veut universelle, c’est qu’on est obligé de s’intéresser un peu à ce qu’elle fait à l’autre bout de la planète. Si au moins elle avait adopté l’organisation en Églises nationales fortes et autonomes que je défends depuis longtemps, on n’en serait pas là ! Déjà dernièrement, j’avais écrit un billet pour dénoncer l’attitude de l’Église des Philippines face à la contraception ; à présent, c’est au Belize qu’ils font des bêtises.

Pour ceux qui ne sont pas bons en géo, le Belize est un petit État d’Amérique centrale, frontalier du Mexique. Ancienne colonie britannique (on l’appelait autrefois le Honduras britannique), c’est le seul pays anglophone de la région ; il est toujours membre du Commonwealth et l’anglais y est la langue officielle, même si l’espagnol est la langue la plus pratiquée.

En 1888, sous domination anglaise donc, le Belize a adopté une loi qualifiant les actes homosexuels de « troubles à l’ordre public » (public ? WTF ?). La loi est toujours d’actualité, mais elle a su évoluer avec le temps : depuis la Seconde Guerre mondiale, la « collusion charnelle », comme ils disent, entre adultes de même sexe, a carrément acquis le statut « d’actes contre-nature » et est passible de 10 ans de prison.

Déjà, il y a toujours quelque chose de surprenant à apprendre qu’un État, même du tiers-monde, conserve ainsi les restes un peu frelatés de la morale victorienne. Mais il y a de l’espoir, puisqu’un homme, Caleb Orozco, mène actuellement une bataille juridique pour faire abroger cette loi. Et c’est là que notre Église, mon Église, ne peut plus s’empêcher d’ouvrir sa gueule, dans le mauvais sens comme il se doit, et perd (encore) une bonne occasion de se taire.

Le Conseil bélizien des Églises, qui réunit catholiques, anglicans et évangélistes, a en effet qualifié l’initiative de M. Orozco de « plan orchestré des ténèbres démoniaques pour détrôner Dieu de [leur] Constitution et ouvrir en grand les portes à l’influence du Diable et au chaos qui affectera les générations futures ». Bigre, rien que ça.

Alors on va dire que je suis monomaniaque et que, surtout à l’heure où nous venons de gagner le combat en France, je pourrais changer un peu de disque ; mais non. Je suis désolé, je ne peux pas me taire face à ce genre de choses. Je suis le premier à me réjouir, je l’ai dit ici même, de l’élection de François au pontificat suprême, et du changement de ton qu’il a commencé à initier ; mais cela ne fait pas tout. Les forces d’inertie et même d’opposition pour contrer son « option préférentielle pour les pauvres » seront immenses. L’affaire du Belize en est la preuve : l’Église dans son ensemble va avoir du mal à prendre le virage initié par le pape, et certains restent obnubilés avant tout par les questions de morale sexuelle.

D’où la nécessité de se battre : l’Église à laquelle j’appartiens ne doit pas pouvoir profiter de l’éloignement géographique et du peu d’importance d’un pays dans le concert des nations pour y empêcher la simple dépénalisation de l’homosexualité (on est très, très loin du « mariage pour tous ») en la qualifiant de plan satanique.

Comme je le disais au début de ce billet, nous, catholiques, devons prendre au sérieux l’étymologie de cette qualification et l’universalité à laquelle, malheureusement, continue de prétendre l’Église que nous reconnaissons comme la nôtre. Cette prétention fonde une solidarité entre les catholiques du monde entier, et cette solidarité nous engage. Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur ce que les hiérarchies catholiques font ailleurs, et dire avec dédain « oh mais ça, ce n’est pas nous ».

Si, c’est nous. Malheureusement, c’est nous.

5 commentaires:

  1. claudine onfray22 mai 2013 à 08:38

    oui c'est nous car on demande encore en Eglise aux homosexuels de rester chastes.........!!
    c'est notre Eglise , mais ce n'est pas le Christ
    oui dans le domaine de la sexualité il y a du travail!!!
    une incompétence ,une pression de purs et durs qui cachent souvent des problèmes personnels

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  2. Oui,c'est nous. Que faire? Quels peuvent être nos moyens d'action? Ecrire et envoyer des lettres aux membres de la hiérarchie comme le fait l'Acat face aux gouvernements non respectueux des Droits de l'Homme?
    Pour le moment, je partage sur FB...

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  3. Il n'y a pas hélas! qu'au Bélize où l'Eglise fait fausse route. Au Cameroun l'homosexualité est également punie de lourdes peines de prison. Des pressions internationales venant d'Etats occidentaux ainsi que de faibles pressions internes réclament l'abrogation de cette loi , aussitôt la conférence épiscopale du Cameroun s'émeut et appelle les catholiques à prier pour que la loi ne soit pas abrogée! Dans quelle Eglise sommes nous?

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  4. Moi, je ne suis guère pour les Eglises nationales, c'est le meilleur moyen pour se faire tordre le cou par les gouvernements au bras long et aux idées courtes - type mariage pour tous.... Ensuite oui à l'universalité, non à l'impérialisme déguisé des occidents qui croient tout mieux savoir, même en matière de mœurs... Ces quelques lignes depuis Taipei

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    1. Si on croit à l'universalité de certains commandements moraux, comme c'est mon cas, je vois mal comment on pourrait ne pas les défendre partout sur la planète. Pendre les homosexuels est mauvais, que ce soit en Iran ou en France, même si beaucoup d'Iraniens sont persuadés du contraire.

      Certains appellent cela de l'impérialisme ; mais le contraire, n'est-ce pas du relativisme ?

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