jeudi 12 juin 2014

Réforme territoriale : un coup d'épée dans l'eau


Qui n’a pas déjà redessiné sa carte des régions françaises ? On a tous fait ça, bien sûr ! Ah non ? Personne ? Il n’y a que moi ? Il faut croire qu’on ne fait pas de la géographie impunément. Quoi qu’il en soit, le redécoupage territorial, c’est quelque chose à quoi je pense depuis longtemps, et je comprends que François Hollande ait cédé lui aussi à la tentation.

Ainsi, quand j’ai vu que ça se précisait, et qu’il allait finir par nous pondre quelque chose, j’ai fait ma petite proposition perso, que voilà (je vous la donne avant que vous ne la demandiez pas) :


 Je vous le dis tout de suite : cette carte n’est pas celle de mes rêves. Je me suis simplement plié aux exigences initiales de l’exercice (qui, notez bien, n’ont même pas été respectées par François Hollande !), à savoir aboutir à 12 régions, pas plus, en laissant intacts les départements. En fait, tout ça n’est pas très sérieux, c’est plus un petit délire de prof de géo.

Bien sûr, qui que vous soyez, vous êtes probablement en train de hurler à la mort, façon « Quoi, nous avec ces enfoirés de [ajoutez ici le nom des habitants d’une région voisine] ! Plutôt crever. » Commençons donc d’abord par poser mes critères de fusion :

1/ Je ne me suis pas basé sur un facteur unique (l’histoire, la culture, l’économie, la géographie etc.) mais sur l’ensemble de ces facteurs, en ne privilégiant pas toujours les mêmes. Ainsi, j’ai inclus la Loire dans la région Massif central, car ses habitants sont culturellement auvergnats, et ce même si Saint-Étienne est économiquement plutôt tournée vers Lyon. De même, j’ai inclus le Lot dans cette même région Massif central pour des raisons géographiques, même si économiquement Cahors est tournée vers Toulouse.

2/ Il s’agit ici de faire de l’aménagement du territoire ; or, l’aménagement du territoire n’a pas seulement vocation à valider des logiques géographiques déjà existantes : il a également pour fonction d’impulser les logiques géographiques qu’on veut voir apparaître, même si rien ne les laisse encore entrevoir. Ainsi, j’ai inclus les Landes dans la région Pyrénées, alors qu’elles sont économiquement tournées vers Bordeaux, précisément dans le but de les retourner vers Pau.

3/ La taille des nouvelles régions rendrait nécessaire de doubler les services publics de haut niveau sur deux villes par région, afin que les habitants y aient forcément accès sans avoir à voyager trop loin. Chaque région verrait donc une métropole capitale doublée d’une métropole d’équilibre, ce qui donnerait :

§  Alsace-Lorraine : Metz ; Strasbourg
§  Aquitaine-Poitou : Bordeaux ; Poitiers
§  Bassin parisien : Paris ; Chartes (Paris ayant de toute manière un statut à part)
§  Bourgogne-Franche-Comté : Dijon ; Besançon
§  Bretagne : Nantes ; Brest (eh non, pas Rennes ! trop près de Nantes, ça n’équilibrerait pas)
§  Massif central : Clermont-Ferrand ; Limoges
§  Midi-Pyrénées : Toulouse ; Pau
§  Nord-Champagne : Lille ; Reims
§  Normandie : Rouen ; Caen
§  Provence-Méditerranée : Marseille ; Montpellier, Ajaccio (pour des raisons évidentes, il faut trois métropoles dans cette région)
§  Rhône-Alpes : Lyon ; Grenoble
§  Val-de-Loire : Orléans ; Angers

Cela dit, et en-dehors de toutes les querelles de clochers que tout découpage, quel qu’il soit, engendrera fatalement, quelle est la différence majeure entre mon redécoupage et celui de Hollande ? C’est que Hollande se contente de fusionner des régions déjà existantes. Pour le reste, c’est-à-dire pour le passage éventuel d’un département d’une région à une autre, il laisse ça à une seconde étape, mal définie, non datée, laissée au libre contrôle desdits départements. Autrement dit, l’État n’a pas de grande vision d’ensemble. Il se contente de proposer quelques fusions, selon une logique qui privilégie davantage les barons socialistes locaux que l’intérêt des territoires et du pays, et pour le reste il se désengage.

Alors que moi, toute critiquable que soit ma proposition, elle a au moins le mérite de proposer un vrai redécoupage régional, c’est-à-dire que je prends les départements, et je constitue des régions de la taille voulue, qui ont un vrai potentiel européen, en m’occupant d’abord de mon but, pas de savoir si tel président de région va pigner parce qu’il perd tel département : l’intendance suivra !

Et encore, je serais d’avis d’aller encore plus loin, c’est-à-dire de supprimer les départements. Ils ont été constitués pour répondre à une double logique : d’une part permettre à chaque citoyen de se rendre au chef-lieu en moins d’une journée de cheval, ce qui était fort utile à l’époque, mais plus tellement aujourd’hui ; d’autre part casser tout ce qui avait fait l’Ancien régime, ce qui, déjà à l’époque, était, en tant que principe directeur d’une action politique, assez bête, quoique compréhensible.

À mon sens, il faudrait donc tout reconstruire, en fusionnant les départements, les intercommunalités et les communes dans une structure intermédiaire unique, qu’on pourrait appeler par exemple « terroirs », « grandes communes », « pays » ou que sais-je encore. Ces structures seraient un peu plus grandes que les intercommunalités, mais nettement plus petites que les départements ; en absorbant les compétences des trois échelles de décision (communes, groupements de communes, départements), elles permettraient de vraies économies, mais leur taille ferait qu’elles resteraient très proches des citoyens. Ces structures seraient ensuite rassemblées dans de vastes régions, elles aussi redécoupées.

Est-ce possible ? Peut-être pas. Les gens sont peut-être trop attachés à l’existant, trop rassurés par lui, et l’État trop faible, pour ce genre de bouleversement. De toute manière, objectivement, je m’en fiche un peu. Le redécoupage de Hollande ne va pas permettre de faire les économies qu’il promet, bien sûr ; mais de toute manière, au stade où nous en sommes, même le meilleur redécoupage territorial possible ne serait pas d’une efficacité notable pour résoudre nos problèmes. Alors celui-là ou un autre… Même si, franchement, Luchon n’a rien à faire dans le même département que Toulouse, ou Toulouse dans la même région que Montpellier, ça ne pas fondamentalement empirer les choses. Au moins, ça occupe.

Ce que je trouve finalement le plus intéressant, dans tout cela, c’est que c’est révélateur d’un état d’esprit. On se contente de la réforme la moins ambitieuse, la plus consensuelle possible, du minimum syndical pour dire qu’on a fait quelque chose, là où on aurait besoin d’une refonte institutionnelle et géographique totale.

Et c’est une belle illustration de tous nos problèmes politiques : la Crise que nous traversons est structurelle, majeure, elle menace nos conditions d’existence même, et face à cela, nos seules réponses sont le tri des déchets, une taxe sur les transactions financières ou sur le diesel – mesures sans doute très nécessaires, mais certainement pas suffisantes.

Nos dirigeants ont tout simplement oublié que face à des problèmes de grande ampleur, il fallait des réponses de grande ampleur pour être un peu efficaces, et qu’une politique de grande ampleur n’est presque jamais populaire, et en tout cas jamais consensuelle.

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