lundi 26 décembre 2011

La justice française serait-elle à deux vitesses ?

Quand on affirme que la justice est au service des puissants, on prend le risque de se voir accuser de populisme et d’être qualifié de flatteur des bas instincts du peuple (en général par des puissants).
Laissons donc les faits parler pour eux-mêmes, puisque l’actualité judiciaire nous en donne l’occasion.

Première décision : Jacques Chirac a été condamné, dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris, à une peine de deux ans de prison avec sursis (ce qui veut dire qu’on ne va pas en prison). Il s’était déjà, en outre, arrangé à l’amiable avec la ville de Paris pour que les salaires détournés soient remboursés, pour partie par lui-même, pour partie par l’UMP (tout en continuant à nier toute action illégale, ce qui était étrange : on se demande quand même pourquoi, si tout était si propre, il consent à lâcher comme ça un demi million d’euros). Il ne fera pas appel : le feuilleton ne connaîtra donc pas d’autre épisode.

Cette décision doit-elle nous pousser à louer l’indépendance de la justice par rapport au monde politique ? Oui et non. Certes, les juges, les magistrats du siège, ont fait preuve d’indépendance. Pas vraiment de sévérité, contrairement à ce qu’on entend ici et là : Jacques Chirac, répétons-le, ne verra pas de l’intérieur les murs d’aucune cellule, et il avait déjà mis de son propre chef la main au portefeuille.

En revanche, ce que cette décision risque de faire oublier, c’est la lâcheté, la veulerie, la soumission totale du parquet. Contre toute évidence, le procureur de la République de la ville de Paris, Jean-Claude Marin, a estimé que l’infraction était « insuffisamment caractérisée ». Les deux magistrats du parquet, qui n’ont, à l’audience, posé aucune question aux avocats de M. Chirac, ont demandé la relaxe. Ils n’ont, Dieu merci ! pas été suivis ; mais la tache de leur requête demeure. Elle souligne la dépendance, en France, des magistrats du parquet vis-à-vis du pouvoir politique, et l’impérieuse nécessité d’une réforme de tout le système judiciaire.

Seconde décision : sept policiers d’Aulnay avaient accusé à tort, volontairement, un homme après une course-poursuite à l’issue de laquelle ils avaient eux-mêmes blessé l’un des leurs. En première instance, ils avaient été condamnés à des peines de prison ferme ; en appel, ils ont été condamnés uniquement à des peines avec sursis. Même chose que pour Jacques Chirac : on peut retenir qu’en fin de compte, ils n’iront pas en prison.

Or, il faut bien mesurer la gravité de leur acte. L’innocent qu’ils avaient accusé risquait, par leur faute, la prison à vie. Ce que ces policiers se proposaient de faire, c’est donc de détruire une vie, ou à tout le moins de prendre le risque de détruire une vie. Et sans les aveux spontanés d’un de leurs collègues, ils auraient très probablement réussi.

Quel est le lien entre ces deux affaires ? Dans les deux cas, les faits sont d’une immense gravité : le détournement de millions d’euros publics au profit d’un parti dans un cas, l’accusation en pleine conscience d’un innocent dans l’autre. Dans les deux cas, ils sont reconnus, avérés, démontrés. Dans les deux cas, ils ont été commis par des détenteurs de la puissance publique : un homme politique et des représentants des forces de l’ordre. Et dans les deux cas, au lieu de considérer cela comme une circonstance aggravante, la justice leur permet de s’en tirer avec des peines symboliques.

Imagine-t-on que, pour des délits comparables, de simples citoyens s’en sortent avec autant d’indulgence ? Alors, à deux vitesses, notre justice ?

1 commentaire:

  1. la prison, c'est mal (ce que Foucault et nombre d'historiens, sociologues et autres scientifiques ont laaargement prouvé). C'est un peu la conclusion hâtive que je dresse, a minima. Un peu comme si la justice savait, quand il s'agit des ouailles étatiques, reconnaître ses propres excès.

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