jeudi 30 août 2012

EELV nous donne rendez-vous dans cinq ans ? Chiche !

Quatre mois ne se sont pas écoulés depuis les élections présidentielles que déjà l’accord de gouvernement entre le PS et EELV est malmené. Ce n’est pas une surprise : le score très médiocre réalisé par Eva Joly au premier tour,  la crise économique qui fait oublier aux gens les questions environnementales, le fait que les députés et sénateurs écologistes n’aient été élus que grâce à cet accord et dépendent donc des socialistes, tout indique que le rapport de force n’est pas en faveur des Verts. La politique étant ce qu’elle est, on ne va pas reprocher aux socialistes d’en profiter ; c’est de bonne guerre.

Néanmoins, pour ceux qui ont cru en cet accord (et dont je n’étais pas, cf. mon post du 10 décembre 2011 ici même), la gifle doit piquer. Pour ceux qui auraient encore des doutes, les propos des ministres socialistes sont éloquents : Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, affirme que « le nucléaire est une filière d’avenir » ; Delphine Batho, ministre de l’écologie (ah ?), en rajoute une couche en posant que « la France a durablement besoin du nucléaire », avant d’afficher son soutien au projet de nouvel aéroport de Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes, projet porté par le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, qui, de son côté, avertit aussi que le débat sur les gaz de schiste n’est « pas fermé ». Si on ajoute à tout ça le départ prématuré de Nicole Bricq, vaincue par les lobbys du pétrole pour son opposition aux forages en Guyane, du ministère de l’écologie, il y a quelques semaines, on comprend que pour François Hollande et son équipe, l’écologie, ça commence déjà à bien faire.

Et pourtant, EELV, pour l’instant, s’entête. Vous me direz qu’ils ont l’habitude. Dominique Voynet, en son temps, a avalé tellement de kilomètres de couleuvres que je n’aimerais pas les faire à pied. Et puis, que peuvent-ils faire d’autre ? Comme je l’avais annoncé il y a des mois, ils ont commencé à vendre leur âme, certes morceau par morceau, en échange de leurs postes. Certains militants s’en inquiètent : mieux vaut tard que jamais ! Ils s’aperçoivent maintenant plus ou moins confusément qu’ils ne seront jamais qu’une vitrine, un moyen pour l’équipe au pouvoir de faire croire au peuple que l’écologie a quand même une peu d’importance pour elle ; certains commencent aussi à se rendre compte de la stratégie de François Hollande : pour étouffer ses ennemis, il faut les serrer contre soi.

Mais malgré l’inquiétude manifeste de sa base, l’équipe dirigeante du parti ne peut guère reculer. D’abord, ils ont le complexe du petit parti qui veut devenir gros. Ils sont convaincus que pour peser, il faut entrer dans le jeu de la politique traditionnelle. C’est leur erreur fondamentale, car le moteur politique de notre société est tout aussi cassé que son moteur économique : en y mettant la main, ils se couvrent du cambouis du discrédit public, car ce milieu est totalement déconsidéré par le peuple, sans pour autant pouvoir faire avancer leurs idées, puisque justement, le moteur est cassé. En entrant dans le jeu politique ordinaire, ils entrent précisément dans le monde de ceux qui n’ont aucune marge de manœuvre. Il est curieux qu’ils ne s’en aperçoivent pas : ils doivent bien voir que ni la gauche ni la droite modérées ne parviennent véritablement à imposer leurs réformes ; et pourtant, ils veulent à toute force leur ressembler.

Et puis rompre l’accord, ce serait prendre le risque de perdre le peu qu’ils ont acquis (les ministères, les groupes parlementaires) sans pour autant regagner la confiance et la crédibilité qu’ils ont indéniablement perdues. Leur seule option est donc de parier sur leur capacité à utiliser le (très) petit hochet de pouvoir avec lequel on les laisse jouer pour regagner cette confiance. Pour cela, il faut arriver à des résultats.

Et c’est là que François de Rugy, co-président du groupe écologiste à l’Assemblée nationale, nous met au défi et nous donne rendez-vous dans cinq ans. Dans un débat organisé par Le Monde, il demande que les écologistes soient « jugés dans la durée, sur les résultats [qu’ils auront] obtenus ». Il « donne rendez-vous à tous ceux qui [les] critiquent, souvent de mauvaise foi [sic : il faut être de mauvaise foi pour critiquer EELV], mais aussi à ceux qui, de bonne foi, peuvent être sceptiques, ou tout simplement impatients, dans cinq ans, pour faire le bilan de ce [qu’ils auront] pu obtenir de concret, d’important, dans l’ensemble des domaines de l’action politique. Dans le domaine de l’énergie comme dans le domaine de l’économie, de l’Europe, des réformes démocratiques ou des questions de société. »

Eh bien, je relève le défi, moi qui suis à la fois critique, sceptique et impatient, et je note le rendez-vous dans mon petit agenda. Rendez-vous dans cinq ans, monsieur de Rugy ! Nous verrons alors, et nous nous concentrerons sur les questions environnementales. Et pour ma part, je prends d’ores et déjà le pari inverse : vous n’obtiendrez rien d’importance. La « conférence environnementale » qui se tiendra les 14 et 15 septembre prochains sera le Grenelle de l’environnement de Sarkozy, mais en moins ambitieux : au lieu d’avoir une montagne qui accoucherait d’une souris, nous aurons une colline qui accouchera d’une musaraigne.

Je le disais dès le 6 mai : il ne faut pas attendre grand-chose de Hollande. Il ne faut pas regretter son élection, car c’était lui, Le Pen ou Sarkozy, et il était donc, de loin, le moindre mal ; mais il ne fera rien qui soit très coûteux pour les finances publiques. Or l’écologie, c’est coûteux, très coûteux. Le début de son quinquennat, bien mou, m’a pour l’instant donné raison ; je n’ai pas peur de perdre le pari que nous lance monsieur de Rugy.

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