vendredi 21 septembre 2012

La corrida doit disparaître (et les combats de coqs aussi)

Nous avons perdu une bataille : le Conseil constitutionnel a décidé que la pratique de la corrida dans les villes où elle n’avait jamais cessé d’exister, principalement au sud de la France, était conforme à la Constitution, de même que les combats de coqs, encore pratiqués dans les Antilles.

Au vrai, cette décision n’est pas surprenante. D’une part, parce que le monde politique avait déjà commencé à exercer des pressions. Manuel Valls, ministre de l’intérieur, avait annoncé qu’il ferait tout son possible pour soutenir l’existence de la corrida sur le territoire français. La tauromachie venait également d’être inscrite au patrimoine immatériel de la France. La volonté politique allait donc clairement dans ce sens.

D’autre part, et surtout, parce que le Conseil constitutionnel n’est pas là pour légiférer, ni pour dire ce qui est bien ou mal. Il est là pour dire le droit, en particulier pour décider si des lois sont conformes ou non à la Constitution. Or, aux seuls termes du droit, il n’y a rien à redire : le texte attaqué par les associations anti-corrida (septième alinéa de l’article 521-1 du Code pénal) instaure, certes, une différence de traitement entre les territoires ; mais comme l’a rappelé le Conseil, « le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ». Aux seuls termes du droit, on pourrait donc défendre l’idée que la différence de traitement attaquée n’est pas justifiée par « des raisons d’intérêt général », mais le Conseil pourrait toujours dire que le législateur règle différemment des situations qui sont effectivement différentes, et le résultat serait le même. Comme il n’y a par ailleurs aucun article dans la Constitution qui défende le bien-être animal, le Conseil ne pouvait que répondre ce qu’il a répondu : non, la loi attaquée n’est pas anticonstitutionnelle.

La bataille perdue l’était donc d’avance. On peut d’ailleurs s’interroger sur la stratégie des associations qui l’ont engagée : faire parler de ce combat, qui est aussi celui de Tol Ardor, est évidemment une bonne chose, et le coup médiatique était réussi ; mais l’échec (prévisible) ne risque-t-il pas d’annuler cet effet positif en redonnant aux partisans de ce spectacle barbare du poil de la bête – si j’ose dire ?

Cela étant, si nous avons perdu une bataille, nous n’avons pas perdu la guerre. Je pense même que la guerre est gagnée d’avance. Bien sûr, la loi en France est mal faite : la Constitution protège les droits des hommes, pas ceux des autres êtres vivants. Il faudra donc passer non par les juges, mais par le législateur. C’est donc vers des députés que devront porter nos prochaines actions. Ce qu’a dit le Conseil, c’est que dans l’état actuel du droit, de la loi, la corrida n’était pas anticonstitutionnelle ; mais la loi peut être changée.

Et elle changera : les droits des êtres vivants sont tout aussi universels et imprescriptibles que ceux des hommes. Tout être vivant a des droits : pas uniquement parce que les faire souffrir dégrade l’être humain ; ni même seulement parce qu’ils souffrent ou sont conscients du monde qui les entoure ; mais tout simplement parce qu’ils sont vivants et que, fondamentalement, la Vie est une.

Le sens de l’Histoire est celui d’une reconnaissance de plus en plus profonde et de plus en plus répandue de ces droits universels. Face à eux, les arguments de ceux qui défendent la corrida ne pèsent rien. La tradition ? A elle seule, elle ne justifie rien, sans quoi on devrait vouloir, toujours au nom de la diversité des cultures, maintenir l’excision là où elle a toujours été pratiquée. La beauté du spectacle, ou le fait qu’il touche aux fondamentaux de la vie humaine, la vie, la mort, le rapport à la nature ? Mais que pèse tout cela face à la cruauté de la souffrance infligée ? Le courage nécessaire ? Et alors ? En quoi faire preuve de courage est-il une garantie qu’on agit bien ? Le fait que de grands hommes aimaient, ou aiment encore ce spectacle ? Mais là encore, on peut être un grand artiste et avoir autant de jugement moral qu’une cuillère à thé.

Rien ne pourra arrêter ce mouvement de la pensée humaine vers une plus grande compréhension du Bien, de même que rien n’a pu arrêter la marche vers l’égalité entre les races, entre les sexes, entre les croyances. Nous avons déjà gagné cette guerre, même s’il nous reste encore à la mener, comme nous avons déjà gagné la guerre pour le mariage homosexuel. Même en Espagne, pays de la corrida par exemple, une région, la Catalogne, a récemment interdit la corrida. Nous, militants de la cause animale, et plus généralement écologistes radicaux, conscients des droits fondamentaux et de la valeur intrinsèque de tout être vivant, sommes une avant-garde éclairée que nos descendants reconnaîtront comme visionnaire dans une époque barbare.

Ces mots peuvent paraître pompeux. Je les pèse.

3 commentaires:

  1. Kudos to you Meneldil. Well said. I am thankful that though we here in the US are still somewhat barbaric when it comes to animal rights, at least we do not legally allow bull, cock, or dog fighting, even though sadly, these sports still occur illicitly. I'm not sure whether it is solely for financial gain, or just the evil within the hearts of men.

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  2. "On peut être un grand artiste et avoir autant de jugement moral qu’une cuillère à thé." Une citation à retenir.

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  3. Meneldil, ton optimisme est nécessaire dans ce combat, car le coup qui vient de nous être porté est révoltant.
    la Fédération est de plus en plus urgente !

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