mardi 4 décembre 2012

Pendant ce temps, aux Philippines...

Un de mes amis parle des « cathosaures », et annonce leur disparition prochaine. De mon côté, je suis fréquemment pris d’une furieuse envie de récupérer la fameuse caricature de Mahomet parue dans Charlie Hebdo en dessinant un Christ se lamentant lui aussi : « C’est dur d’être aimé par des cons… ».

En effet, pendant que notre Église de France ferraille contre le mariage pour tous, de l’autre côté de la planète, l’Église des Philippines s’est dit qu’il n’y avait pas de raison de laisser aussi facilement la palme de la bêtise aux occidentaux, et qu’elle allait entrer dans la lutte, et qu’on allait voir ce qu’on allait voir. Et en effet, y a pas à dire, elle m’a bien l’air de devoir gagner le concours.

Petit cours accéléré de géographie. Les Philippines sont de taille relativement modeste, 300 400 km2, un peu plus de la moitié de la France métropolitaine, qui jouit de 543 965 km2. En revanche, les Philippines ont une population touffue : 92,34 millions d’habitants en 2010, sans doute un peu plus aujourd’hui (pour se faire une idée de leur rythme de croissance, on peut souligner qu’ils n’étaient que 27 millions en 1960) ; contre 63,46 millions de personnes en 2012 en France métropolitaine. Pour ceux qui ont la flemme de calculer, ça donne une densité moyenne de 307,4 hab./km2 aux Philippines contre 116,7 hab./km2 en France métropolitaine : plus du double, donc. Enfin, un peu d’économie : alors que la France a un PIB de  2 808 milliards de dollars, donc 44 248$/hab., et un IDH de 0,884, très élevé, les Philippines se contentent d’un PIB de 225 milliards de dollars, donc 2 437$/hab., et d’un IDH de 0,751, considéré comme moyen. Concrètement, ça veut dire qu’un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté. Quand même.

Au vu de ces chiffres, on pourrait assez logiquement déduire que les Philippins sont assez nombreux comme ça, et que pour leur bien autant que pour celui de la planète, ils peuvent commencer à s’arrêter (c’est d’ailleurs aussi vrai pour nous, mais bon, ça l’est quand même encore plus pour eux). C’est le calcul qu’a fait le gouvernement philippin, qui essaye depuis 1998 (15 ans, c’est quand même pas rien) de faire passer une loi qui permettrait de financer la contraception sur les deniers publics, introduirait l’éducation sexuelle à l’école et autoriserait l’avortement dans certaines limites (il est actuellement totalement interdit par la Constitution).

Le problème, c’est que les Philippines sont un pays très majoritairement catholique, et que l’Église du coin ne l’entend pas de cette oreille. Depuis 15 ans elle lutte contre ce projet, et depuis 15 ans elle réussit, c’est là qu’est le drame. Au moment où j’écris, le gouvernement cherchant à passer à la vitesse supérieure, l’Église aussi redouble ses attaques. Fin novembre, l’archevêque de Lipa a appelé le peuple à « faire preuve de discernement » (tu parles) lors des élections de 2013 en rejetant les hommes politiques « qui ne suivent pas les enseignements de l’Église », en particulier ceux qui auraient voté en faveur de cette loi. Il a certes été rappelé à l’ordre par le président de la conférence épiscopale, mais le mal était largement fait. De son côté, l’évêque d’Antipolo a demandé aux fidèles de prier et de jeûner pour que les parlementaires rejettent le projet de loi. Lui n’a pas été contredit.

Et ce alors même que ledit projet de loi a déjà été considérablement affaibli par rapport à sa version d’origine. Ainsi, la dernière mouture ne prévoit plus le financement des moyens de contraception qui empêchent la nidification d’un ovule fécondé, comme le stérilet, ce qui réduit gravement sa portée. Foin de ces tentatives de compromis, les évêques continuent de crier veto.

Pour qu’on ne m’accuse pas de partialité, je le dis et le redis : je suis catholique, non seulement croyant mais pratiquant. Mais c’est justement pour cela qu’il est de mon devoir de le dire : il y a là quelque chose de désespérant. En France on a peut-être la droite la plus bête du monde, mais aux Philippines il semblerait bien que l’Église se hisse à la première marche du podium. Moi, ça me donne envie de crier halte. Halte mes cocos ! Non seulement ça prouve que vous n’avez rien compris aux crises, aux dangers et aux enjeux de notre temps (tant pis pour vous, à la rigueur) ; mais surtout, vous vous rendez coupable d’une partie du malheur de ces gens, et d’une partie des dégradations qu’ils commettent contre leur environnement.

Trois petits chiffres pour finir ? À Manille, la pollution atmosphérique est responsable de 12% des décès ; le pays ne traite de manière appropriée que 10% des eaux d’égouts ; et entre 1990 et 2005, les Philippines ont perdu un tiers de leur couvert forestier.

4 commentaires:

  1. On découvrira un jour que l'opposition stupide du catholicisme à la contraception est une bêtise théologique. En effet, l'Eternel nous envoie décider du monde dès la Genèse, pas nous soumettre à la Nature et à nos calendriers menstruels. Croire, c'est choisir avec l'inspiration de l'Esprit.

    L'avenir de l'Eglise, c'est l'évolution, pas l'ovulation.

    Thierry Jaillet
    @thierryjaillet
    http://thierryjaillet.wordpress.com/

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  2. Et bien sûr, vous vous avez tout compris...

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  3. Cyril, je ne sais pas si tu t'adresses à moi ou à Thierry (ou aux deux... ^^). Pour ma part je ne prétends certainement pas avoir "tout compris". Mais sur la question du rapport entre surpopulation humaine, problèmes environnementaux et pauvreté, je crois avoir en effet mieux compris les choses que les autorités vaticanes. Sans même parler de l'avortement, qui est polémique, tu ne trouves pas incroyable que l’Église continue de s'opposer à la contraception ? A l'éducation sexuelle ? Mais qu'est-ce qu'ils cherchent ?

    M.

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  4. Je rebondis sur ce qu'écris Thierry.
    Les possibilités chimiques de régulation des naissances est interdite par l'Eglise comme si cette possibilité ouvrait grand la porte à tous les débordements, spécialement ceux de la femme par un extraordinaire accès à la liberté.
    Mais si au contraire, elle permettait de faire grandir le sens des responsabilités par rapport au couple, à la famille, et enfin à la société ?La liberté appelle une pédagogie, nul n'y est hostile.
    L'interdiction mutile la personne dans ce qui fait sa spécificité l'engendrement, elle mutile le citoyen dans sa responsabilité citoyenne.
    Demain nous nous battrons pour l'accès à l'eau et la possession de bonnes terres. Ce demain est déjà un aujourd'hui pour les plus avisés qui achètent les terres fertiles des pays les moins organisés pour se défendre.
    Je rejoins Thierre Jaillet l'interdiction de la contraception est une bêtise théologique car elle ne fait pas confiance à la capacité du baptisé de prendre en mains ses responsabilités.Elle ne lui laisse que le choix transgression ou repli dans l'irresponsabilité.

    Arrête Meneldil de taper sur la droite, tout le monde n'est pas de gauche et il y a autant de c... à gauche qu'à droite. En plus ce n'est pas le sujet.

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