jeudi 3 juillet 2014

Nicolas Sarkozy, un justiciable normal ?


Alors résumons-nous. Nicolas Sarkozy « ne demande aucun droit particulier », « ne réclame aucun avantage ». Il va clamant qu’il demande uniquement les droits des citoyens ordinaires, pas plus, mais pas moins. On applaudit.

Mais quand même, il trouve qu’avoir été placé en garde à vue, puis mis en examen, c’est un peu fort, et qu’on aurait pu se contenter de le convoquer à une heure décente pour lui poser quelques questions. Ah. Si c’est comme ça, on peut tout de suite supprimer la garde à vue, parce qu’en effet, n’importe qui préfère être convoqué par une lettre polie que placé en garde à vue et emmené de force au poste de police encadré par des flics.

Notons au passage que la loi Perben II, votée en 2004 alors que Sarkozy était ministre de l’Intérieur, est justement celle qui a augmenté la durée maximale de la garde à vue, passant pour certaines infractions de 48 heures au plus à 96 heures au plus. Dans le même ordre d’idées, il y a eu en 2001 environ 337 000 gardes à vue, mais 578 000 en 2008. On a donc l’impression que l’ancien président aimait bien les gardes à vue, mais plus tellement quand c’est lui qui est visé. Un justiciable comme les autres, vraiment ?

Autre chose : si possible, notre Nicolas national aimerait bien pouvoir choisir ses juges. Parce que voyez-vous, il a eu quelques petits différends avec le Syndicat de la Magistrature, classé à gauche (et qui fédère environ un tiers des juges) ; et donc il trouve qu’être jugé par un membre de ce syndicat, ce n’est pas très impartial. Ah. Là encore, on imagine le boxon si tous les justiciables normaux se mettaient à récuser les juges en fonction d’appartenances politiques. Je suis un militant de gauche, je ne veux pas être jugé par un juge de l’USM ; je suis un militant de droite, je ne veux pas être jugé par un juge du SM.

Passons enfin aux écoutes. Nicolas Sarkozy n’est pas content, pas content du tout même, d’avoir été écouté, et écouté longtemps. Sans doute furieux que le portable qu’il avait sous un faux nom (au fait, personne ne se demande quels papiers d’identité il a fait présenter à l’opérateur ? Parce que moi, quand j’achète un portable, on me demande une pièce d’identité ; aurait-il de faux papiers ? Ou ne serait-il pas un client normal ?), il oublie, là encore, un certain nombre de choses. Qui a fait voter la loi n°2006-64 qui facilite les écoutes ? Nicolas Sarkozy. Entre 2007 et 2010, la masse des réquisitions particulières pour la surveillance des conversations téléphoniques a augmenté de 40%. Là encore, on n’a pas vraiment le sentiment que Nicolas Sarkozy se considère comme un justiciable normal : les écoutes, c’était très bien quand c’était lui qui écoutait, mais il ne faudrait pas qu’on renverse la vapeur.

J’ai envie de lui dire ce que Dorine dit à Orgon : « Juste retour, Monsieur, des choses d’ici-bas ! » Et s’il y a une morale à tirer de cette divertissante histoire, c’est sans doute celle-ci : ceux qui se croient à l’abri de la surveillance étatique ont toujours tort. On a coutume d’entendre des gens débiter des âneries comme « la surveillance ne me gêne pas, puisque je n’ai rien à me reprocher ». Eh bien si, justement : toujours. Les surveillants d’hier peuvent toujours devenir les surveillés de demain. L’État peut toujours vouloir vous faire tomber, ou vous empêcher de nuire, et à ce moment-là la surveillance généralisée se retourne contre vous, et on trouve toujours quelque chose à vous reprocher.

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