dimanche 25 décembre 2016

La solennité dans l’amour

C’est drôle de voir comme Dieu vous attend souvent avec une bonne surprise au détour d’un sentier. J’ai eu droit, un peu par hasard pourrait-on croire, à une des plus belles messes auxquelles j’ai assisté ces derniers mois – c’était à Contrazy, en Ariège. Comme un cadeau de Noël, de la part de Dieu et d’un prêtre qui restera sans doute pour moi anonyme.

Une messe dépend beaucoup du prêtre qui la célèbre, de son caractère, de sa personnalité, de ses idées ; et comme le déroulement de la messe influe profondément sur ceux qui y assistent, les prêtres ont évidemment en la matière une grande responsabilité.

Or, une qualité est souvent accompagnée de ses dérives. Les prêtres dotés d’un grand amour, d’une grande bonté intérieure, ont souvent tendance à un certain laisser-aller sur le rite, sur son déroulement ou sur la manière dont il est accompli. Cela part d’une bonne intention : volonté de ne pas choquer, de ne pas blesser ; choix de faire primer les personnes sur les dogmes ou les rites. Mais cela peut donner lieu à des messes moins priantes, plus désordonnées. Inversement, ceux qui insistent sur la dignité, sur la solennité du rituel ont souvent tendance à un certain assèchement du cœur, à un manque de tolérance, de souplesse, d’attention aux personnes. Leurs messes, certes plus solennelles, plus priantes, ont tendance à devenir rigides, guindées, froides.

La messe qui m’a été offerte aujourd’hui, fait rare, cumulait les deux qualités et évitait les deux dérives. Le prêtre qui l’a célébrée respirait littéralement l’amour. Il a fait rester un jeune couple arrivé en retard avec un nouveau-né qui a pleuré une bonne partie de la messe, qui voulait sortir pour ne pas gêner les fidèles ; et on sentait que ça lui faisait plaisir. Il a eu raison, bien sûr : « laissez venir à moi les petits enfants ! » Il est normal qu’un bébé pleure, et il est heureux qu’on ait encore quelques bébés dans les messes. Mais on sentait qu’il ne le faisait absolument pas par obligation, mais que ça le rendait heureux. De même, il a remonté toute la nef pour donner la paix du Christ à presque tout le monde, et il l’a fait avec un amour et une bonté, avec une attention à chacun qu’on pouvait ressentir presque physiquement.

Mais à côté de ça, sa messe était profondément priante, belle, solennelle. Il ne récitait pas les prières à toute allure, laissait des temps de silence lorsque c’était nécessaire, traitait l’Eucharistie avec un respect infini.

Ça peut sembler peu de choses, mais ce fragile équilibre, qui ne peut exister sur la durée que grâce à un travail et un effort constants de celui qui le met en place, est en réalité la condition du lien qui s’établit entre l’homme et le sacré. Si l’on n’est pas assez solennel, on perd Dieu de vue pour faire une messe qui ne parle plus que de l’homme ; si on l’est trop et qu’on tombe dans la froideur, c’est le contraire, on ne parle plus que de Dieu, et d’un Dieu vu comme lointain, inaccessible, plus grand qu’aimant. Dans tous les cas, il nous manque une des deux extrémités de ce pont, et le passage devient impossible. Or, ce lien, ce contact, cette communion entre l’homme et Dieu, est précisément le but du rituel et la condition d’une vie spirituelle riche.

On peut toujours discuter des détails – l’encens, les chants… –, mais cet équilibre entre la solennité et l’amour, entre le caractère priant de la messe et son caractère joyeux, cet équilibre qui est, pour moi, au cœur de ce qu’est une bonne messe, n’est que rarement présent.

Aujourd’hui, il était là, et pour moi c’est un très beau cadeau.

Joyeux Noël, mon père ! Et joyeux Noël à tous !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire